Awa Yéo : Près de l’école, loin dans la réussite
octobre 30, 2025
Avec l’ouverture du collège de proximité de Nambonkaha, Awa n’a plus eu à quitter sa famille pour continuer ses études. Résultat : des notes qui grimpent, une motivation décuplée et un modèle de réussite pour toute une région. Portrait d’une élève qui a transformé la proximité en victoire.
Dans la cour du Lycée Municipal de Ferkessédougou, Awa Yéo, 15 ans, marche vite.
Comme si le futur l’appelait déjà.
Elle est aujourd’hui en classe de première D et elle reste l’élève que tout le monde connaît : elle qui finit toujours sur la première marche du podium.
Benjamine d’une fratrie de 7 enfants, elle est d’ailleurs la seule que ses parents ont envoyée à l’école.
« Lorsque je voyais mes camarades partir à l’école, je voulais faire comme eux. J’aimais déjà l’école. C’est comme ça que ma maman a demandé qu’on m’inscrive », se rappelle-t-elle.
À Nambonkaha, son village, on continue de l’appeler « la rafleuse de prix ».
Dans un passé pas si lointain, ses anciens camarades gardent en mémoire tous les prix qu’elle a raflés. Médaille d’or en maths, en dictée, meilleure en anglais, actrice de théâtre… Et cette moyenne générale qui donne le tournis : 18,25/20.
« Quand je regarde mes médailles, ça me donne la force d’étudier plus », confie la jeune fille, le sourire timide mais la fierté assumée.
Ce qui a tout changé, c’est l’ouverture du Collège Moderne Jacques Marchand de Nambonkaha, en 2015. Un collège de proximité construit grâce au C2D.
Avant, les enfants devaient parcourir des kilomètres ou être envoyés en ville. Et beaucoup de filles interrompaient leur scolarité.
Awa, elle, a pu rester près de ses parents, concentrée, protégée.
« La chance d’avoir un collège proche nous empêche de tomber dans les vices de la ville. Et ça me permet de travailler encore plus », reconnaît-elle.
Son père, Émile Yéo, ne cache pas sa fierté : « Depuis le CP1, elle est la première. C’est une fille très intelligente. On prie pour qu’elle réussisse, pour nous et pour le village. »
Dans son collège d’origine, les professeurs parlent encore d’elle avec des étoiles dans les yeux.
« Elle arrive à faire ses exercices. Elle est toujours à l'heure. On a l'impression qu'elle sait déjà. À peine on pose des questions, elle a déjà livré le doigt. Nous sommes très, très, très honorés aujourd'hui de voir son nom résonner partout », raconte Namory Fofana, l’un de ses enseignants de l’époque.
Dans cette zone rurale, le collège accueille 396 élèves, dont une majorité de filles désormais scolarisées jusqu’en 3ᵉ.
Jusqu’à un passé récent, Sigué Ouattara était le principal du collège de proximité de Nambonkaha. Celui qui a connu Awa a ses débuts, rappelle que l’établissement qu’il a dirigé pendant 10 ans est devenu un laboratoire de réussite. « On croit souvent que les collèges de proximité sont de second rang. Mais les résultats d’Awa prouvent le contraire. Ce sont des écoles qui donnent des chances réelles aux enfants, surtout aux filles. »
Et Awa voit déjà loin. Plus tard, elle veut devenir médecin. « J’aime ce métier surtout pour sauver des vies », rêve-t-elle.
Awa n’est pas un cas isolé. Partout dans le pays, les collèges de proximité retiennent les enfants à l’école, protègent les filles, et offrent aux parents la joie simple, mais longtemps rêvée : voir l’avenir de leurs enfants se construire sous leurs yeux.