Trois parcours, une même bourse : ces chercheurs ivoiriens qui changent la donne
Sous le ciel d’Abidjan, d’Ouagadougou ou de Marseille, ils partagent un même point de départ : une bourse AMRUGE-CI, née du Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) entre la Côte d’Ivoire et la France. Trois destins, trois disciplines, une même ambition : apprendre pour mieux servir.
Kolia Yao Pokou Marius, l’ingénieur qui voulait rendre l’eau plus pure

Capitaine au ministère des Eaux et Forêts, Kolia Yao Pokou Marius parle de l’eau avec la précision d’un scientifique et la conviction d’un citoyen engagé.
En 2013, il découvre un appel à candidatures pour une bourse du programme AMRUGE-CI, financé par le C2D entre la Côte d’Ivoire et la France.
« J’ai compris que c’était une chance de me perfectionner dans un domaine essentiel à la vie », raconte-t-il.
Sélectionné après un entretien rigoureux à l’Ambassade de France, il s’envole pour Ouagadougou afin d’intégrer l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE).
Avant cette étape, il avait suivi un cursus en sciences et gestion de l’environnement à l’Université Abobo-Adjamé. « J’avais déjà un fort intérêt pour les questions liées à l’eau, mais il me manquait les moyens pour approfondir mes compétences et aller plus loin. »
À 2iE, il apprend à modéliser les réseaux hydrauliques, à évaluer la qualité des eaux et à concevoir des systèmes de gestion intégrée.
Le dispositif de la bourse (frais de formation, couverture sociale, hébergement, documentation) lui permet de se consacrer entièrement à sa formation. « Ce soutien complet m’a offert la tranquillité d’esprit nécessaire pour apprendre, expérimenter et me projeter », se rappelle-t-il.
De retour en Côte d’Ivoire, il rejoint la Direction Générale des Ressources en Eau, où il met en œuvre les compétences acquises à travers des programmes nationaux et internationaux.
Aujourd’hui, il pilote la surveillance de la qualité des eaux et représente la Côte d’Ivoire au sein du réseau GEMS/Water des Nations Unies.
« Sans cette bourse, j’aurais mis dix ans à atteindre ce niveau. Elle m’a donné des outils, un réseau et une vision. ». Pour lui, le message est clair : investir dans la formation, c’est investir dans la souveraineté.
Dr. Aka Kouadio Ayebé Edwige Epse Monzai, la pharmacologue qui fait parler les plantes

À l’Institut Pasteur d’Abidjan, Edwige Aka Monzai manipule pipettes et cultures microbiennes avec la précision d’une orfèvre. Docteure en pharmacologie des substances naturelles, elle explore la richesse thérapeutique des plantes africaines. « Mon objectif est simple : prouver que notre biodiversité est une ressource scientifique d’avenir. »
En 2022, elle obtient une bourse AMRUGE-CI pour un stage de perfectionnement à Marseille, où elle se forme à l’identification des tiques et bactéries par spectrométrie de masse (MALDI-TOF). « Travailler dans un laboratoire international m’a permis de perfectionner mes méthodes d’analyse microbiologique et de renforcer mes capacités scientifiques. »
Rigoureuse, méthodique et profondément attachée à la recherche collaborative, Edwige incarne une génération de scientifiques africaines déterminées à ancrer la science dans leur territoire.
« Obtenir cette bourse, c’était la reconnaissance d’un parcours marqué par la passion et la persévérance. Elle symbolise la confiance accordée à mon potentiel, mais aussi une opportunité d’aller plus loin : collaborer, innover, transmettre. »
De retour à Abidjan, elle poursuit ses travaux sur la valorisation des plantes médicinales ivoiriennes à potentiel antimicrobien et sur la constitution d’une collection de bactéries issues d’infections digestives.
« Cette bourse m’a ouvert à un réseau international de chercheurs. Mais surtout, elle m’a donné confiance en la valeur de la recherche africaine. »
Elle rêve aujourd’hui de contribuer à la création d’une biobanque africaine, pour préserver, étudier et exploiter durablement les ressources biologiques du continent.
Didier-Axel Sess-Tchotch, du cacao à la physiologie du sport

Lui vient d’un tout autre univers. Docteur en biochimie, Didier-Axel Sess-Tchotch a longtemps étudié… le cacao.
En 2014, il obtient une bourse doctorale AMRUGE-CI, financée dans le cadre du Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) entre la Côte d’Ivoire et la France. Direction Montpellier, au CIRAD (Centre International de Recherche Agronomique et de Développement), où il va consacrer trois années à un sujet aussi pointu que crucial : la contamination des fèves de cacao par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des composés cancérigènes qui menacent la qualité d’un produit emblématique du pays.
« C’était une recherche très technique, mais porteuse d’enjeux immenses pour notre économie nationale », explique-t-il.
Entre mars 2015 et novembre 2016, il réalise au CIRAD l’essentiel de ses analyses de laboratoire, grâce à un dispositif qui lui offre des conditions optimales de travail.
Son doctorat, soutenu en juin 2019, débouche sur une méthode innovante de biodégradation des HAP et sur la mise en évidence d’un consortium de bactéries endogènes capables de dégrader ces composés toxiques. « Nous avons pu valider une nouvelle approche d’analyse et de dépollution, applicable à la chaîne du cacao. Ces résultats ont fait l’objet de publications scientifiques et de présentations internationales. Certains attendent encore d’être valorisés. »
Aujourd’hui maître-assistant à l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS), il a déplacé son champ d’étude vers un autre terrain : celui du corps humain.
Ses recherches portent désormais sur la physiologie de l’effort et la nutrition sportive, notamment la qualité et la valeur nutritive des aliments consommés par les athlètes. Du cacao à la performance, il n’y a qu’un pas. Pour Didier-Axel Sess, il s’agit d’appréhender les deux cas. Comprendre comment le corps transforme l’énergie.
De l’eau à la pharmacologie, du cacao au sport, ces trois chercheurs incarnent la diversité et la vitalité de la science ivoirienne.
Tous ont bénéficié du programme AMRUGE-CI, financé par le C2D à travers l’Agence Française de Développement. Tous sont revenus, animés d’un même devoir : rendre ce qu’ils ont reçu.
Leur trajectoire raconte bien plus qu’un parcours académique. Elle illustre une philosophie : former à l’excellence pour bâtir l’avenir.